jeudi 25 décembre 2008

mister lonely rencontre mister lonely


J'avais téléphoné à quelques amis pour leur proposer de m'accompagner voir le nouveau film d'Harmony Korine. Mais ce nom fait fuir, je ne sais pas pourquoi. Je parlais du film, captant l'intérêt, puis je disais "Au fait, c'est un film d'Harmony Korine", et on me raccrochait au nez (en maugréant en breton ou en picard -les membres de la petite marchande de bombes appartenant tous à une de ces deux cultures).
Je ne connais Korine que comme scénariste de Larry Clark (pas ma tasse de thé), ses films me sont inconnus. Mais le titre, Mister Lonely, et l'amorce, un sosie de Michael Jackson rencontre une sosie de Marilyn Monroe à Paris, m'excitait.
Je suis donc allé seul au Reflet Medicis ce mardi 23 décembre. Je me suis dit que j'allais retrouver d'autres adeptes. J'arrive juste à l'heure pour la séance, j'entre dans la salle. Il n'y a personne. Passé un moment de surprise, j'ai trouvé ça merveilleux d'avoir la salle pour moi seul, et puis c'était adapté au titre du film : j'étais Mister Lonely. Sur l'écran et dans la salle, ça serait la même chose, pas forcément la même chose, mais une même famille. J'y ai vu un signe, le signe que ce film et moi devions nous rencontrer. J'étais amoureux du film avant même qu'il commence. Mon corps électrique était parcouru de frissons.
L'heure de la séance était dépassée depuis cinq minutes. Je m'étonnais d'un tel retard, dans ce cinéma ce n'était pas habituel. Rien lors de cette soirée ne l'était. La magie a continué alors que les lumières étaient encore allumées : une jeune femme est sortie des toilettes et s'est installée deux rangs derrière moi. Nous étions deux. Puis un homme est entré, un couple, un autre couple. Nous étions sept. J'étais heureux, j'avais l'impression de recruter des camarades de conspiration. Ils étaient en retard parce qu'ils avaient déjoué des pièges et des systèmes de surveillance. Nous étions complices, comme dans un film sur l'occupation allemande en France, quand les résistants se retrouvent dans un cinéma, seul lieu de liberté (est-ce dans L'Armée des Ombres ?). Oui, il y avait une ambiance à la Dirty Dozen, à la Wild Bunch. Mon téléphone sonne. C'est Mhamed (je viens d'apprendre qu'il a un poste à Florence pour l'année prochaine). Je lui propose de venir assister à Mister Lonely (sans lui révéler le nom du metteur en scène, heureusement car s'il l'avait su, me dira-t-il plus tard, il ne serait pas venu). J'ai le sentiment d'être un recruteur pour un réseau clandestin. Il est à Palais Royal, il arrive. Il entrera dans la salle dix minutes après le début du film (il a apporté de la nourriture, une blanquette de veau je crois, une demi-baguette et une tranche de Gouda au cumin, il se tient à l'écart le temps de dîner ; il s'asseoit à côté de moi quelques minutes plus tard).
Alors voilà, ce film est une merveille. Il pourrait paraître grotesque (les sosies qui vivent tous dans un château en Écosse ; ces nonnes qui sautent d'un avion sans parachute -scène d'une beauté sidérante-; Werner Herzog en curé, Denis Lavant en Charles Chaplin, Anita Pallenberg en reine d'Angleterre), mais il est magique, tendre et brillant. Sans conteste le meilleur film de l'année (avec Valse avec Bachir et, pour Mhamed, Lola Montes, que je n'ai pas encore vu, je vais faire ça un de ces prochains jours). Un film de freak sur des freaks pour les freaks (and geeks éventuellement) et les misfits.
Hier j'ai reçu les épreuves d'un livre collectif (43 écrivains à l'affiche) que j'édite avec Thomas Reverdy (aux éditions Intervalles) : Collection Irraisonnée de Préfaces à des Livres Fétiches. Je suis heureux et fier, les contributions sont toutes excellentes. Pour finir, une citation de circonstance, extraite de Petites Épiphanies de Caio Fernando Abreu :
"Joyeux, joyeux Noël. Nous le méritons bien."

Putain, oui, nous le méritons.

Martin Page

jeudi 4 décembre 2008

Sans un bruit – cinquième opus de la série « Donjon : Potron-Minet », écrit par Lewis Trondheim et Joan Sfar, dessinée par Christophe Gaultier

Pour ceux qui ne connaissent pas la série de bandes-dessinées initiée par Joan Sfar et Lewis Trondheim, je vous conseille vivement le site : http://www.bibou.org/donjon/murmures.php?page=aparaitre et la lecture des trois premiers "Donjon Zénith", vraiment très drôles et des Potron-minet + Mon fils le tueur le magnifique opus dessiné par Blutch... pour commencer !

Il y a un peu de Vingt ans après dans le début du cinquième volume de la série « Donjon – Potron-Minet », Sans un bruit. Le comte Arakou de Cavallère, père du héro, Hyacinthe de Cavallère a.k.a La chemise de la nuit, étranger en son propre château et dans l’époque initiée par son fils, part à la recherche de ses anciens camarades de guerre. Prêts à reprendre les armes ? Non, plutôt à ouvrir une coopérative de vieux soldats ou cultiver une vigne…
Les lecteurs de « Donjon » le savent, le très grand nombre de collaborateurs à la série assure la création d’un monde (un Donjon, trois époques – Zénith, Potron-minet, Crépuscule – et deux séries parallèles sur des personnages ou actions secondaires – Parade et Monsters) mouvant et protéiforme. Les recoupements constants entre les histoires, souvent drôles, quelquefois tragiques, sont assez jouissifs, de même que la confrontation des styles de dessins de différents dessinateurs sur un même personnage/lieu enrichit le monde ainsi créé. Tout cela tient bien entendu à la grande qualité des scénaristes, le duo éprouvé Trondheim/Sfar (accessoirement, ils jouent tous les deux du ukulélé) et des dessinateurs. On retrouve les stars de la bd française - Larcenet, Blutch, Menu, Blain, Stanislas et des auteurs plus confidentiels Yoann, Killofer... Loin d’imposer un trait à l’ensemble de la série, Trondheim/Sfar collaborent avec des dessinateurs dont l’univers est loin de celui de « Donjon », leur laissant toute liberté de plier ce monde d’heroic fantasy à leur style de dessin, souvent fort et reconnaissable (bonne représentation des dessinateurs qui publient(aient) à « L’Association » et qu’on n’attend pas forcément dans ce type de série). D’où un renouvellement certain du genre et un retour aux sources de l’aventure, avec références littéraires et philosophiques. Bref, on est plus près de Dumas, Cervantès ou Tolkien que de Lanfeust.


La chemise de la nuit par, de gauche à droite, par Blutch, Blain, Yoann, Nine et Gaultier



Et puis, c’est toujours intéressant, la répétition d’un motif et d’un système permet d’apprendre pas mal de chose sur les particularités ainsi mises à jour des différents auteurs et dessinateurs. Le concept de la série induit de facto beaucoup de MetaBD. Le duo de scénaristes, seule chose qui ne se modifie pas, est ainsi à la merci de l’inspiration, du découpage et des choix narratifs des dessinateurs et, même avec deux personnalités aussi fortes que Trondheim/Sfar, il n’est pas difficile de voir chaque dessinateur se saisir de l’histoire. A cet égard, « Donjon » est aussi un formidable vivier de découvertes de talents (et aussi le vecteur de quelques déceptions pour certains dessinateurs appréciés dans d’autres domaines). La série est en elle-même porteuse de succès, les créateurs assez reconnus pour laisser leur chance à des dessinateurs plus à la marge.
Ce n’est pas tout à fait le même processus de création, ni bien sûr le même support, mais «Donjon » est ce qui me semble se rapprocher le plus des séries américaines récentes, avec pléthores de scénaristes et de réalisateurs. Un vrai travail de création collectif dans un pays qui en montre peu d’exemples.
Mais la série a aussi ses limites, inhérentes au concept : qualités des albums inégales, mariages ratés et multiplications des albums « one shot » au dépend des séries principales, qui sont la clé de voûte du « Donjon », et qui ne tiennent pas toujours ce rôle (baisse de régime dans les derniers albums de la série Zénith, dont les personnages et l’unité temporelle ont été très exploités dans les séries parallèles).
De ces trois séries principales, réservées dans un premier temps aux maîtres d’œuvre puis reprises après quatre ou cinq épisode par d’autres dessinateurs - Boulet et Kerascoët - la période Potron-minet est certainement celle qui a le mieux joué son rôle. Dessinée par Christophe Blain, le créateur du blockbuster Isaac le Pirate, les quatre premiers albums posent les bases d’une histoire forte, celle de la construction du Donjon par Hyacinthe de Cavallère, jeune comte provincial naïf et chevaleresque qui découvre le monde dans la grande ville Antipolis sous la protection de son oncle, homme d’affaire qui causera la perte de la ville (l’homme a un projet fou : un métro pour désengorger les rues !). Face aux perversions et aux désenchantements d’Antipolis, Hyacinthe devient La chemise de la nuit, un justicier à l’ancienne mode. Récit initiatique donc, qui voit triompher le désespoir et le cynisme sur la galanterie et le panache.
L’époque moderne, quoi.

La réussite des ces quatre albums tient à l’alliance de la cruauté bonne enfant de Trondheim (qui a fait des émules dans tout « Donjon »), la portée philosophique de Sfar et surtout, ce qui manque à beaucoup d’albums de la série, le talent parfait de Blain à raconter une histoire. Pas une anecdote, une historiette, ou une blague développée mais une histoire équilibrée, avec des enjeux forts, des personnages parfaitement sentis et, ce qui fait le sel de Potron-minet, le spleen. Nostalgie d’un monde disparu, d’une jeunesse qui s’enfuit, d’un amour sacrifié... Potron-minet, pour narrer la création du Donjon, c’est noir et triste.
Difficile, dans ses conditions, pour Christophe Gaultier de succéder à Blain pour le cinquième opus de P-M « Sans un bruit ». D’abord, parce qu’on en veut un peu à Blain de laisser tomber cette histoire qu’il a si bien portée. Et puis aussi, pour l’album lui-même, décevant. Pas par le dessin, qui est peut-être ce que je préfère : personnel, fluide, stylé. Mais pour la construction du récit.
Le signe infaillible d’un film/livre raté, c’est de ne pouvoir en trouver le sujet. Chez Blain, pas de problème, le sujet est dans le titre (l’esprit de synthèse acéré de Blain, toujours). Dans Sans un bruit, le récit commence et narre abondamment les pérégrinations du père de Hyacinthe et d’Alexandra, pas franchement passionnantes, avec des rebondissements un peu compassés (et l'ancien ami qui se révèle être un traître, et le jeu père-fille vaguement incestueux). Il faut attendre la page 43 (sur un album qui en fait 48 !) pour voir apparaître La chemise de la nuit et comprendre où veut en venir l’histoire (la vengeance de La chemise de la nuit, son adoption définitive des méthodes de combat modernes contre les méthodes chevaleresques, soit l’assassinat dans le sommeil vs. le duel). Certaines situations sont porteuses de sens, et par là dramatiques (l’intervention de Jean-Michel dans le meurtre d’Arakou, particulièrement glaçante ; les méthodes pour prendre le pouvoir sur la reconstruction de la ville) mais elles sont évacuées en 2/2 au profit de certains personnages vraiment ratés - l’ami fou d’Arakou, Miguel - qui sont censés garantir une tonalité comique ( ?) mais qui se révèlent plutôt embarrassants.
D’où cette impression constante de déséquilibre de l’action, que l’on retrouve dans le dessin avec de très petites cases au début de l’album contenant des dessins très denses (assez désagréable à lire) et des cases élargies avec une action tronquée en fin d’album (frustrant mais déjà plus intéressant). Un récit mal construit donc, avec des choses intéressantes, mais de mauvais choix dans le développement. Ce défaut de timing gâche pas ailleurs une des particularités de l’album, le trash du dessin et des situations, qui pourrait être une marque de fabrique, un supplément, du nouveau dessinateur dans les prochains albums. RV pour le prochain, donc…

Un dernier commentaire sur une actualité « Donjon » : le dernier «Monsters », Le grimoire de l’inventeur, dessiné par Nicolas Kéramidas (que je ne connaissais pas du tout) est à conseiller. Le dessin peut rebuter (très rond, très Walt Disney), mais l’histoire est vraiment bien foutue et originale.
Une toute dernière chose : à quand un épisode dessiné par david B. ????? Allez, quoi…

dimanche 30 novembre 2008

dimanche soir (I've got a feeling I don't want to know )

"Tea — unless one is drinking it in the Russian style — should be drunk without sugar. I know very well that I am in a minority here. But still, how can you call yourself a true tealover if you destroy the flavour of your tea by putting sugar in it? It would be equally reasonable to put in pepper or salt. Tea is meant to be bitter, just as beer is meant to be bitter. If you sweeten it, you are no longer tasting the tea, you are merely tasting the sugar; you could make a very similar drink by dissolving sugar in plain hot water."
George Orwell
Tu as raison George, nous sommes en minorité.
Je lis Vie Secrète de Pascal Quignard, et ça me plaît beaucoup, même si je ne suis pas certain de toujours le suivre. En tout cas, c'est un livre riche, inspirant, magique. Je picore.
Dans ce livre nécessaire (collection d'articles, d'entretiens, courts essais) Entre mythe et politique, Jean-Pierre Vernant écrit : "On avance avec le temps, mieux vaudrait dire : on est déplacé, non d'un bloc mais par morceaux pour se retrouver au terme là où on croyait devoir aller, ailleurs dans son chez-soi, autre dans sa façon de demeurer le même."
Voilà, nous sommes dimanche soir, je viens de manger un toast trop grillé (mais ce goût me rassure je ne sais pas pourquoi, il me connecte à une époque, à des gens, du passé).

martin page

mercredi 26 novembre 2008

two lovers : amour, maladie et classes sociales


Je suis allé voir Two Lovers hier soir avec les garçons (l'équipe de la petite marchande de bombes) et toxicavengeresse. Deux camps à la sortie (enfin trois, puisque la question step brothers est revenue). Celui de ceux qui trouvaient la fin triste et celui de ceux qui la trouvaient, non pas joyeuse, mais tournée du côté de la vie. Je ne suis pas doué pour analyser les choses sur le long cours, voilà quelques mots un peu désordonnés (je suis désolé, mon travail me lance des miaous déchirants) sur ce film (qui a des ressemblances avec step brothers), une grande oeuvre sur la maladie et l'amour. L'histoire. Joaquin Phoenix est maniaco-dépressif, il a été fiancé à une femme qui, dit-il, l'a quitté car ils étaient tous les deux porteurs d'un gêne rare les empêchant d'avoir des enfants. C'était son grand amour, il ne s'en est jamais remis, il garde sa photo près de son lit. Puis vient Sandra, fille du quartier, brune et sage, prévenante et amoureuse. Il est attiré, il l'aime bien, une complicité naît entre eux. une histoire aurait pu commencer. Mais Gwyneth Paltrow arrive. La fille n'a aucun intérêt véritable, mais elle est malade (elle fait une allusion à un problème psy), elle est malheureuse, elle prend de l'ecstasy (on apprendra qu'elle a un problème de drogue plus ancien), son père lui hurle dessus. Elle a des qualités secondaires aussi, elle est blonde, elle montre un de ses beaux seins et elle vient d'un milieu très privilégié, c'est une princesse, déchue, mais elle reste une princesse pour un gamin de Brooklyn. Joaquin tombe amoureux, et il a raison, car ainsi, s'occupant de sa malade aimée, il n'est plus malade, c'est lui qui soigne, alors tout va bien, pour un temps, il est adulte quand il prend soin d'elle, il n'est plus ce gamin qui vit chez ses parents, il est un homme. Sandra la brune qu'a-t-elle à lui offrir ? Pas grand chose, elle est saine, en bonne santé, la pauvre, et pire que tout elle sait qu'il est malade, elle dit qu'elle s'occupera de lui. Cela le fait fuir, il ne veut pas de cette amour maternel, il a déjà une mère. Il sort avec Gwynteth, il est auprès d'elle à l'hôpital, il est là, fort, responsable. Quand Gwyneth quitte son amant marié, ils sont décidés à partir à San Francisco et son Golden Gate Bridge archétype lieu du suicide, c'est à dire qu'ils vont vers la mort, tous les deux trop fucked up, c'est évident ça finira comme ça. Mais non, heureusement, le mari idiot divorce et récupère l'idiote Gwyneth (ils viennent du même milieu et puis il a l'âge de son père, alors c'est parfait, l'endogamie est préservée, voilà de la tragédie, voilà ce que pense Gray du libre arbitre). Joaquin pourrait se tuer. Cela serait logique, tout est fait pour l'amener vers cet océan dans lequel il s'est laissé tomber au début du film, ça serait une fin triste classique. Mais il réfléchit ; peut-être qu'il a enfin compris quelque chose sur Gwynteh, il a compris qu'elle n'était rien, qu'elle n'existait que par sa maladie, ça les rapprochait c'est sûr, mais c'était factice ; il n'en a pas besoin, il a sa maladie bien à lui, il ne pourra jamais l'effacer. Mais cette histoire avec Gwynteth n'a pas été vaine : pendant un moment il a été adulte, il a vu qu'il pouvait être là pour quelqu'un, être utile. Et puis il a enfin jeté la photo de son grand amour passé. Cette histoire l'a transformé en homme, il n'est plus l'enfant de quarante ans qui vit chez ses parents (voir step brothers). Il fait un choix, parce qu'il est malade, mais cela n'empêche pas de faire des choix, au contraire. Et il va vers l'amour ; il reprend l'histoire interrompue. Peut-être qu'il ne l'aime pas passionnément cette Sandra, mais ça viendra, et ça ne sera pas moins fort que l'amour spontané et égoïste pour Gwyneth Paltrow, ce mirage ; ça sera un amour adulte, c'est effrayant et merveilleux, il y aura peut-être plus de tendresse que de passion, ça sera compliqué mais plein de douceur, il y va. C'est une fin antiromantique, belle, réelle ; bien sûr, c'est de la tragédie, nous ne sommes pas tout à fait libres, mais nous avons une marge de manoeuvre, assez large pour des sourires et des baisers ; Joaquin Phoenix n'est plus un enfant, mais un adulte qui a besoin de soins, d'une famille, de stabilité, il a besoin de donner de l'amour et d'en recevoir. Une vie qui ressemblerait à celle de la famille qui a échappé aux nazis (après bien des épreuves personnelles) à la fin de The Sound of Music, de Wise, le film préféré de Sandra, et qui trouve refuge en Suisse, dans une Europe en guerre. Joaquin Phoenix répond à Sandra, gênée de citer ce film à la réputation mièvre, que c'est un film sousestimé. La clef du film est dans cette phrase. L'amour qui va les unir est sousestimé, tant pis pour ceux qui l'ignorent, ils vont le vivre, ils en savent la beauté.
(Comme le titre rappelle two sisters des Kinks, voilà une bonne occasion d'écouter cette chanson.)


martin page

jeudi 20 novembre 2008

step brothers, drôle et sentimental


J'avais envie de rire, et pour cela il me fallait un prétexte, un film qui se présentait comme drôle pour amorcer la chose. Peu m'importait qu'il le fut réellement. J'étais décidé à simuler. Je voulais me trouver dans une salle où mon rire serait possible. Il n'aurait pas eu de sens, mais sa sonorité m'aurait rappelé de vrais rires passés et sincères. Je me préparais à un film banal et gras, je préparais mon rire tonitruant à des gags sans imagination ; mon rire serait forcé et violent, il me donnerait le hoquet et mal à la gorge. Et puis, non. J'ai été pris au dépourvu. step brothers est un film drôle, distingué et incroyablement émouvant ; le jeu des acteurs est subtil, les situations originales, il y a mille trouvailles qui le rendent supérieur à tous les autres films de l'écurie Apatow (et le place en haut du podium des comédies de ces dernières années). Et, chose rare, c'est une comédie qui ne connaît pas de faiblesse à mesure qu'elle avance. Elle tient bon. Surtout ce film est constamment sur la ligne entre rire et émotion ; c'est très fin, on est à deux doigts d'éclater en sanglots, mais non, juste à temps, un détail, le jeu des acteurs nous emporte du côté de l'humour. Voilà un film sentimental, profond, humain. Non seulement step brothers est d'une grande intelligence comique, mais ce qu'il dit de la famille, de l'amour, de ce drôle de truc de devenir adulte, de renoncer à nos jeux ou pas, le rapproche de films comme Ordinary People (Robert Redford) et de L'influence des rayons gammas sur le comportement des marguerites (Paul Newman). Et puis, je me suis rarement autant marré.
Ce matin je dois écrire un texte pour Le Monde à l'occasion du salon du livre jeunesse de Montreuil. On me demande de parler du premier livre qui m'a fait peur et pourquoi. J'ai tout de suite pensé au Grand Livre Vert, de Robert Graves et illustré par Maurice Sendak. Mon thé est infusé, j'y vais.
(note : la version sortie en salles en France est censurée, plusieurs scènes sont coupées du film original ; voilà qui pourrait justifier le piratage, dommage).

martin page

mercredi 19 novembre 2008

La vie moderne

A la faveur d’une année cinéma plus remplie et plus surprenante que d’ordinaire, des liens se nouent entre deux œuvres en apparence très différentes mais qui, par delà leurs différences, tendent à se rejoindre. The Wire, saison 2, est une série américaine créée par David Simon et produite par HBO, datant de 2003, soit la grande époque des séries américaines.
Dernier maquis est un film français de Rabah Ameur-Zaimeche, sorti le mois dernier.
Entre les deux, aucun rapport en ce qui concerne la structure du récit, le mode de production ou la direction d’acteurs : là où la série, argentée, travaille sur la base d’un script solidement charpenté avec l’aide d’acteurs très pros, le film se lance sur une trame ténue, sans budget, interprétée par des acteurs non-professionnels, dont le cinéaste lui même.
Et pourtant.
Les deux œuvres investissent dans le fond un même territoire, celui de la représentation réaliste des communautés immigrées de travailleurs pauvres, qui constituent l’essentiel du monde ouvrier et occidental d’aujourd’hui. Les Polonais à Baltimore, sur les docks, les Africains et Maghrebins dans la banlieue parisienne, accomplissent leurs gestes quotidiens, techniques, précis et parfois dangereux, dans un même décor écrasant de palettes rouges ou de containers multicolores.

Les enjeux, pour ces personnages, ne sont pas les mêmes : dans The Wire, il s’agit de faire survivre le syndicat, force unitaire d’une communauté soudée, et que l’un des personnages considère obsolète : en effet, pour renflouer les caisses, il faut parfois faire taire son éthique de travailleur honnête, et se rapprocher d’autres formes de syndicats, plus dangereux car illégaux.
Dans Dernier maquis, l’action du patron, à priori généreuse (construire une mosquée pour ses ouvriers), se révèle plus ambiguë, un moyen de contrôle sur ses troupes, qui se divisent alors en deux camps : les Noirs fidèles au boss, et les Arabes dissidents, rebelles par rapport au choix de l’imam et aux licenciements abusifs.
Dans les deux œuvres, il s’agit de dessiner le territoire symbolique de la rencontre des communautés dans une société occidentale multiculturelle, ces communautés ayant en commun de vouloir se battre pour conquérir une place et des droits (Franck Sobotka, tout en frayant avec la mafia grecque, n’attend qu’une chose, du travail pour ses hommes et une reconnaissance de ce travail ; de même pour les personnages de Dernier Maquis, où l’indépendance et la reconnaissance ne passent plus par le syndicat mais par le libre choix de l’imam qui va les guider). Deux récits bruts, ancrés dans le réel le plus terre à terre, celui des doigts gelés, des machines et de la précarité du travail, qui ont comme même objectif la création d’une esthétique poétique (Dernier maquis, dont les Cahiers du cinéma relèvent avec justesse la musicalité), voire militante (The Wire est une excellente analyse des dysfonctionnements de la société américaine), à partir d’un même matériau documentaire : les souffrances et difficultés de la classe ouvrière occidentale, et des hommes qui la composent.
Sadoldpunk

mardi 18 novembre 2008

kitano et rhume : un parcours

Je me prépare à voir Takeshis'. L'idée m'est venue en écoutant un disque de la musique de Joe Hisaishi ; l'idée d'écouter ce disque m'est venue je ne sais par quel chemin, peut-être de l'automne, peut-être parce que je suis enrhumé, et j'ai mangé des clémentines, des oranges, un kiwi, de l'acerola, bu de la tisane de thym et une décoction de gingembre. Oui je crois que tous ces éléments m'ont précipité vers Joe Hisaishi et donc vers Kitano (mais ça aurait pu être Miyazaki), et aussi, la nuit qui n'est pas tout à fait nuit sur la Seine près de Saint-Michel (où se trouve l'atelier collectif qui abrite mon bureau) grâce aux lampadaires. Et puis, mon père est malade, une amie très chère aussi (elle va de mieux en mieux) et une autre amie a eu un accident de voiture samedi très impressionnant (elle va bien). Voilà l'eau que je suis aujourd'hui, dans laquelle infuse tous ces brins de thé différents.
Je sais que je vais aimer Takeshis'. L'amour, comme la joie, est avant tout une décision. Je sais que les critiques n'étaient pas très enthousiastes, mais les critiques sont de petites machines idiotes et friables. On ne laisse pas tomber un artiste que l'on aime. Je suis là.


martin page

portraits de femmes

Je viens de commencer Portraits de femmes de Pietro Citati. Déçu par le texte sur Lou Andrea-Salomé. Un jour, j'aimerais lire quelque chose sur elle qui ne soit pas un prétexte pour parler de Nietzche ou de Rilke. Heureusement le portrait de Jane Austen est une merveilleuse compensation.

martin page

mardi 11 novembre 2008

Un armistice qui fait date

J'ai écrit ce texte pour le 90ème anniversaire de l'armistice de la première guerre mondiale.

J'ai écrit ce texte dans le souvenir des commémorations de mon enfance dans ce petit village qui se souvientcomme tant d'autres du

11 novembre 1918.


Le samedi 1er août 1914, à 4 heures de l'après-midi, tous les clochers de France font entendre un sinistre tocsin à une heure où l’on ne s’apprête pas à se rendre à la messe. Les hommes sont aux champs lorsqu’on leur annonce la mobilisation générale. Malgré la stupéfaction les français n’ont pas cherché à comprendre, on leur avait appris que « les Boches » étaient des barbares qui s’apprêtaient à venir égorger leurs fils et leurs compagnes, à ravager leur terres.


Selon l’historien Jean-Jacques BECKER* tous ne montèrent pas la fleur au fusil au combat, c’est bien souvent la résignation qui a accompagné l’entrée des français dans la guerre.

Dans le monde rural on se demande déjà qui s’occupera de la terre. On se rassure en se persuadant qu’en peu de temps ce sera une affaire réglée, que l’on reviendra pour les moissons.

Ce furent les femmes qui firent les moissons cette année là. Et les quatre suivantes aussi. Beaucoup d’hommes ne les firent plus jamais.


Parce qu’ils étaient les plus nombreux, parce qu’ils n’avaient peut être pas eu la même éducation à la communale que les citadins, les ruraux, ce que l’on moquait comme des « paysans », furent envoyés en première ligne. Ils étaient la fierté redoutée de la République. Ils n’étaient plus que le symbole de 1789 mais ils devaient se battre pour la République, parce qu’ils étaient cette République radicale, rurale, parfois crainte, souvent considérée trop conservatrice.


Eux qui avaient travaillé la terre avec le fer, ils ont succombé dans les bonnes terres de la Somme, de l’Artois, de la Champagne, des morceaux de métal dans le corps, dans des villages rasés qui auraient pu être le leur, où le clocher symbole de leur « patrie » était devenu une crainte, où un tireur pouvait mettre fin à leur vie. Cette terre grasse et nourricière devenait leur tombeau. La terre que l’on avait parfois du mal à labourer, pour laquelle on s’échinait et qui portait en elle la peine du labeur et de la tradition séculaire était retournée en un instant par la modernité qui portait des noms de femme. Bertha devenait synonyme de cauchemar pour ceux qui étaient depuis trop longtemps éloignés de leurs femmes et de leur famille.



Si la guerre a épargné le clocher de M***, les fusils n’étaient jamais loin. Le soldat de 2e classe Louis Casset, ce parisien natif du XIe arrondissement affecté au 88e régiment d’Artillerie, découvre le village lorsqu’il y cantonne dans ces journées juin et juillet 1918 rapportées dans son journal. M*** fut une base arrière de ces combats qui avaient lieu à quelques kilomètres. Ceux de M*** qui laissèrent leur vie pour la patrie auraient pu être près de chez eux quand ils ont disparu. Leur nom sur le monument aux morts, au centre du village, indique qu’ils sont toujours chez eux à M***.


Les moissons étaient terminées le 11 novembre 1918 à 11h quand retentirent plus de quatre ans plus tard les tocsins des églises de France. Quand se fait entendre le clairon de l’armistice, la France compte 1 393 000 morts, près de trois millions de blessés dont 74 000 mutilés.

La première guerre mondiale eut un rôle fondamental pour l’évolution du monde rural, car beaucoup de ses habitants ont du quitter les campagnes, ils ne pouvaient plus travailler la terre, à quoi bon rester devant une terre qui végète.


Le 11 novembre 1918 reste une date importante pour le monde rural, pour qu’il se souvienne que certains sont revenus, pour commémorer les disparus, pour faire vivre à nouveau la terre.


Berlin Belleville


* BECKER (Jean-Jacques), 1914, comment les Français sont entrés dans la guerre, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977.



dimanche 21 septembre 2008

Get Well Soon

Depuis combien de temps n'avais-je pas écouté tout un album, d'une traite ? L'americana allemande de Get Well Soon, aux titres fleurant bon ceux de l'ami Sufjan Stevens ("Christmas in adventure parks"), serait sans doute - si je devais décerner de telles récompenses - "la bande-son de mon début d'automne".
Autour d'une guitare souvent essentielle, drapé, mais pas noyé, dans des cordes précises, jamais précieuses, "Rest Your Head You Will Get Well Soon" révèle à chaque nouvelle écoute une foule de détails, d'arrangements raffinés.
Piano, banjo, orgue ou accordéon, cuivres déglingués sur le sublime "You / Aurora / You / Seaside", sample qui, sans doute, n'aurait pas dépareillé sur un mix de The Avalanches ("Witches ! Witches ! Rest Now In The Fire"), petites touches d'électro, vocoder ("Tick Tack ! Goes My Automatic Heart")... Lorsque l'on tresse des mélodies de ce niveau, je suppose que l'on peut se permettre à peu près tout, et le gâchis devient une performance, à laquelle Get Well Soon (qui donne l'impression d'avoir dévalisé la boutique d'instruments de musique) ne s'abaisse heureusement pas. Pour humilier un peu plus la concurrence, se frotte avec succès à la reprise du "Born Slippy" d'Underworld comme, quelques années plus tôt, Eels à celle du "Get Ur Freak On" de Missy Elliott, et pour un constat identique : une grande chanson est une grande chanson, il n'y a que les idiots pour s'arrêter au genre.

Entre une ballade old-fashioned ("Lost In The Moutains (Of The Heart)") et une étrange pop-song aux choeurs suraigus ("If This Hat Is Missing I Have Gone Hunting"), quelque part du côté de Beirut - plutôt, quelque part au-delà -, Get Well Soon s'engage sur les traces encore apparentes de Grandaddy.

"Rest Your Head You Will Get Well Soon", album exclusivement composé de sommets, où l'on a toujours l'impression d'entendre la meilleure chanson, est un cauchemar pour mon Ipod déjà plein, doté d'une mémoire de 1,89Ga, sur lequel j'ai pris l'habitude de charger des albums incomplets.
Où sont les creux, les chansons "juste belles" ? Je voudrais rassurer les musiciens doués qui s'acharnent, vingt ans durant, pour pondre une dizaine de chansons de ce niveau, mais je parierais bien que ses fonds de tiroir valent leur pesant d'or.

Balthazar Castiglione.

dimanche 15 juin 2008

Penser l’Europe (aux lendemains du référendum irlandais, mais ce n’est qu’un détail…)

Edgar Morin dans son ouvrage Penser l’Europe déclarait en 1987 : «longtemps je fus anti-européen. »

Il justifie de fait l’idée que l’on puisse être (ou avoir été) anti-européiste et que même les plus farouches opposants finissent par se rallier à 'l'Europe'. Cette phrase d’introduction illustre plus son idée du dialogisme[1] qu'elle ne l'est dans la phrase suivante : « ce qui est important dans la culture européenne ce ne sont pas seulement les idées maîtresses (christianisme, humanisme, raison, science) ce sont ces idées et leur contraire. » Pour E. Morin la force de l’Europe (sous entendue la force de la construction européenne qui bien que distincte la rejoint ici) réside dans le fait qu’il existe un débat. C’est en quelque sorte un moyen de justifier comme un acte européiste le fait de dire non à l’européisme tel qu’il se présente.

On m’a demandé récemment - et très officiellement - si pour moi l’européisme était une idéologie. La réponse attendue était consensuelle, j’ai donc émis des réserves en indiquant qu’à son apogée, dans les années 1920, l’européisme était épars et empruntait à toutes les formes d’idéologies : le libéralisme (économique et politique), le libre-échangisme, le socialisme, le pacifisme voire le nationalisme et le nazisme dans les années 1930. Mais je crois en fait que l’européisme est bel et bien une idéologie, qui comme toutes les idéologies réussit à faire croire qu’elle n’en est pas une.

Certes une idéologie a besoin de militants. Le paradoxe établit par l’historien Robert Frank qui voudrait qu’à partir de la construction concrète de l’Europe, de La Haye en 1948 et du traité de Rome en 1957 jusqu’à Maastricht en 1992 et au TCE en 2005, les ferveurs européennes et la conscience de la nécessité de faire l’Europe se sont estompées au contact des réalités. Il n’y a en effet plus, ou très peu, de militants européens dans les années 1960-70. Donc pourrait-ce être une idéologie sans militants ? Le capitalisme est une idéologie qui n’a pas besoin de militants, juste des rouages.

Les rouages existaient depuis le traité de Rome de 1957 et les opposants n’avaient plus qu’à plier comme l’ont fait Margaret Thatcher et François Mitterrand à partir de leurs positions respectives au Conseil européen de Fontainebleau en 1984, l’idéologie se dévoile par le consensus. Dès lors peut on penser l’Europe dans ce cadre précis ? Milan Kundera disait en 1983 dans un article publié dans Le Débat : « l’Europe n’a pas remarqué la disparition de son grand foyer culturel puisque l’Europe ne ressent plus son unité comme une unité culturelle. »

Le foyer culturel est pourtant une des caractéristiques d’une civilisation. Pour Fernand Braudel[2] elle se définit à travers des espaces, des sociétés, des économies, des mentalités collectives. Mais si ces éléments sont nécessaires pour la constitution de civilisations ils ne sont pas suffisants. Les civilisations doivent en plus être des continuités. Pour comprendre et définir une civilisation il faut définir et comprendre l’histoire de ces continuités. La culture européenne basée sur sa civilisation n’existe pas par l’Union Européenne car elle n’a pas de continuité, elle est figée.

Selon Robert Frank[3] « Charlemagne et Hugo ont moins compté que Hitler et Staline » ; la civilisation actuelle de l’Europe n’est pas une civilisation, car elle ne repose pas sur une unité réfléchie et des événements ‘positifs’ de l’inconscient collectif mais sur des éléments de réaction à un modèle différent voire antagoniste.

Paul Valéry avait raison lorsqu’il déclarait dans Regards sur le monde actuel « L’Europe n’a pas eu la politique de sa pensée. »


Berlin Belleville


[1] Le principe dialogique unit deux principes ou notions antagonistes

[2] BRAUDEL (Fernand), Grammaire des Civilisations, 1987

[3] FRANK (Robert), Les identités européennes au XXème siècle, 2004

dimanche 1 juin 2008

love, interrupted

Non, dans la vie, il n'y a pas que Cannes. (Dans une prochaine note, bien évidemment, je tenterai de vous convaincre du contraire.) Pendant que Khoo, Desplechin ou Folman arpentaient la Croisette, d'autres films sortaient à Paris. Bref - un jour où le monde était à l'envers, Balthazar s'est levé tôt (après s'être couché très tard), et MP s'est levé tard. C'est donc seul qu'à la séance de 11h10, Balthazar est allé voir Wonderful Town (Aditya Assarat), splendide chronique d'un amour contrarié (voire purement et simplement interrompu), dans le sud de la Thaïlande post-tsunami. Au coeur du film, ce principe jamais appuyé, toujours finement, sensiblement exploité : l'inscription de l'homme dans son milieu, les climats, les sentiments.
L'histoire est connue : tout corps étranger - ici, un architecte venu de Bangkok - risque le rejet d'un milieu où il change la donne, crée de la rupture - même tout en douceur, avec une apparente tranquillité.
Un cadre précis, une narration limpide, un rythme en faux plat, une attention de chaque instant portée à l'environnement et un final saisissant, qu'à l'image de la vague l'on n'avait pas vu venir (de l'instant où Ton, dans la chambre, prend Na dans ses bras, et jusqu'au dernier plan, je prends tout, sans réserve ni condition) emportent le morceau.

Le propos, le scandale, quels sont-ils ? Qu'en amour l'on passe du chantier à la ruine en un clin d'oeil.

PS : en termes d'enthousiasme, d'adhésion aux films, je ne m'explique pas toujours le principe des vases communiquants - dû au fait, sans doute, que je vois ces temps-ci beaucoup de films, et que dans ma tête les uns précisent, bousculent ou chassent les autres -, qui veut aujourd'hui que la vision de ce film me pousse à réévaluer (très) à la baisse celle des Trois Singes (le dernier Nuri Bilge Ceylan, vu à Cannes), qui pour le coup me paraît formaliste, tristement mécanique. Pourquoi celui-ci plus qu'un autre ? Dans l'intervalle, j'aurai pourtant vu une petite dizaine de films... Mystère dans l'esprit du spectateur...

Balthazar Castiglione.

mercredi 23 avril 2008

michael edwards


Chaire d'étude de la création littéraire en langue anglaise au Collège de France, leçon inaugurale faite le jeudi 11 décembre 2003 par Michael Edwards.
C'est un petit livre, 40 pages, publié chez Fayard (texte disponible gratuitement sur le site du Collège de France, comme beaucoup d'autres, c'est une mine). Je vous en donne quelques extraits, qui me plaisent terriblement (même si hors contexte, sans l'image, sans le son, cela manque un peu de rondeur et de velours):

"Lorsque l’acte littéraire présente, selon son principe, une version neuve du réel, j’appelle imagination l’énergie qui associe le nouveau à l’ancien, qui ne s’éloigne pas du réel mais qui l’élargit.
Une imagination juste ne cherche pas (contrairement à la fancy) les plaisirs d’un monde inouï autonome ; elle cherche le réel, le vrai, elle constitue un authentique savoir."

"Dans la création littéraire, on invente toujours dans le seul sens actuel du mot, mais on ne répond à l’aspiration de la littérature que si l’on invente aussi selon le sens caduc du mot qui en préserve l’étymologie : trouver. L’imagination invente dans les deux sens du mot ; par une sorte de fable elle découvre ce qui est."

"Je suis convaincu que nous sommes faits tels que nous ne voulons pas exactement autre chose, mais plutôt que les choses soient autres. Nous ne demandons pas, disons, le purement céleste, mais l’infiniment terrestre."

"Nous apprenons que la réalité contient déjà la possibilité de son propre dépassement. Le réel a ses rêves que le rêve ne connaît point."

"La littérature est une philosophie pratique."

Michael Edwards

Un autre court texte à conseiller :
L'Eloge de Socrate, de Pierre Hadot (chez Allia, six euros, c'est parfait pour découvrir Hadot, une merveille vraiment).

Sinon il est regrettable que l'on continue à garder les titres français ridicules des livres de Chandler chez Gallimard : The long good-bye (sur la couverture, en sous-titre il reste cet horrible "Sur un air de navaja"). Et puis, de belles couvertures seraient bienvenues (cette photo de Bogart est incompréhensible, il n'a pas joué dans une adaption du livre, il aurait été plus juste de choisir un portrait d'Elliot Gould, interprète du magnifique film de Robert Altman.)

martin page

vendredi 11 avril 2008

dorothy parker

Ses nouvelles sont traduites en français (par la jolie actrice Hélène Fillières), les Hymnes à la Haine, ses articles et critiques, mais pas ses meilleurs poèmes. En voici un :




Résumé

Razors pain you; Rivers are damp;
Acids stain you; And drugs cause cramp.
Guns aren't lawful; Nooses give;
Gas smells awful. You might as well live.

Dorothy Parker

(Les rasoirs font mal ; les rivières sont humides;
Les acides tachent; et les médicaments donnent des crampes.
Les revolvers ne sont pas légaux ; les noeuds coulants se défont ;
Le gaz sent trop mauvais. Alors autant continuer à vivre.)


Sinon, que dire... God's Pocket de Pete Dexter est formidable, les livres de Marie Nimier aussi et la biographie d'Alan Turing est bien trop longue (pourtant il est mort jeune, ce n'est donc pas de sa faute, je blâme le biographe à la santé trop bonne et à la vie sentimentale si vide qu'il a consacré son temps à écrire ce livre, merveilleux tout de même - c'est une drôle d'activité biographe).

martin page

samedi 2 février 2008

The Boatman's Call

Nick et Polly, pour moi, c'est un peu Justin et Britney.

J'aime leur musique. Je les ai découverts à six mois d'intervalle (avec To Bring You My Love et Murder Ballads, tous deux publiés en 95) et, si Polly me proposait de boire un verre, je ne dirais peut-être pas non.

Sur Henry Lee, ils chantent ensemble (l'histoire d'un amour tragique : une jeune fille assassine l'homme qui l'a dédaignée pour une autre - quelle charmante façon de faire connaissance...).
A l'époque, ensemble, ils ne font pas que ça (chanter) - cf. bref et beau baiser en toute fin de vidéo (qui du coup raconte une toute autre histoire que la chanson...).
Après tout, quoi de plus cohérent ? Ces deux-là devaient se trouver. Lui, le prêcheur, le chrétien tourmenté - l'exégète de la Bible (qui préfacera une édition de l'Evangile selon Saint-Marc), hanté par ses récits, ses créatures ; celui qui met en garde contre le démon... Elle et sa mystique moins savante, plus intuitive sans doute, qui régulièrement en appelle à des instances supérieures - sur tous les tons, à tous propos, PJ prie, supplie, implore... "Don't leave me / I beg you / My darling...", chante-t-elle dans Rid Of Me, dont j'aime - plus encore que l'originale - la version 4 pistes. "Oh help me Jesus / Come through this storm..." dans Down By The Water. "Oh God I miss you..." dans The Piano.
Et c'est sans doute, dans ce qu'elle écrit, ce qui me touche le plus. (Je règlerai, dans une note à venir - et sur un autre blog -, mon rapport toujours plus complexe à la spiritualité.)

(Parenthèse : quelques mois après To Bring You My Love, j'ai découvert Bleed Your Cedar d'Elysian Fields ; j'établis aujourd'hui une sorte de correspondance entre Down By The Water et Lady In The Lake - mais c'est une autre histoire, que je prétendrai vouloir raconter une prochaine fois, et que, bien entendu, j'oublierai complètement.)

On aurait pu envisager que ces deux grands malades (écoutez Henry's Dream et White Chalk l'un à la suite de l'autre - on a défoncé le plafond mélancolique) se seraient mutuellement (et momentanément) apaisés. Ce fut évidemment le contraire.




















Bref. Si je vous dis que les histoires d'amour ont une fin, je crois que je ne vous apprends rien. Et Into My Arms, c'est pour qui ? C'est pour Polly, bien sûr. Ces mots, simples, presque naïfs - étonnant de la part d'un type qui, trois ans plus tôt, signait un album débordant de paroles complexes - lourdement référencées -, d'interprétations théâtrales.
Et pourquoi pas tout un album - et le plus beau de sa carrière, tant qu'on y est -, pour y livrer l'histoire d'un amour - intime, impudique même... "Slip your frigid hands beneath my shirt / This useless old fucker with his twinkling cunt / does'nt care if he gets hurt..." chante-t-il sur Green Eyes. Nick va jusqu'à s'interroger : Are You The One That I've Been Waiting For ?
Les paroles du splendide There Is A Kingdom (où l'amour est un oiseau, un éclat dans les ténèbres - "such is my faith for you, chante-t-il : such is my faith"...) sont une réponse assez convaincante.
Le Loverman ("weak and evil and broken by the world"...) s'est attendri. Il ne gratte plus à la porte ; il est entré et, plutôt que de jouer les bêtes libidineuses, il est bêtement assis à mendier un mot, un regard.

Je ne sais pas si cela constitue une sorte de valeur ajoutée (le fait de savoir que Cave l'a précisément composé pour une personne, et quelle personne), mais The Boatman's Call est aujourd'hui solidement accroché dans le top 30 de mes albums préférés, où il papote probablement avec Jon Spencer et Jennifer Charles. De loin, il fait de grands signes à Polly, qui depuis peu est entrée dans le top 10 (White Chalk, pas très loin derrière Portishead).
Je viendrai chez vous. Je trouverai un prétexte. Pendant que vous irez me chercher un verre d'eau, j'inspecterai l'iPod, la discothèque. J'y chercherai The Boatman's Call.

De son côté, PJ s'interroge. Is this desire ? demande-t-elle en 98. This is love, répond-elle en 2000. Et, nous ne sommes pas plus avancés - car, à l'heure où Cave commet son chef-d'oeuvre (et se débat dans la drogue, la dépression) -, PJ aligne deux albums jolis, sans plus. Il faudra attendre Uh Huh Her - 2004- (et surtout le récent White Chalk) pour la voir retrouver tous ses moyens.

Bref. A l'exception de la sympathique chanson-titre, je rien écouté de No More Shall We Part, l'album suivant de Cave (et des quelques survivants de la formation historique de ses Bad Seeds). Et, des années durant, j'ai littéralement ignoré The Boatman's Call.

Je l'ai redécouvert en 2004, via la vidéo du premier extrait de Nocturama, Bring It On (dont le lien figure en toute fin de cette note). Et, parce que j'avais tant aimé The Boatman's Call, et que j'avais pris son propos très au sérieux - et que pour moi, sa musique aurait d'invariables relents autobiographiques, je l'ai ressentie d'une façon très singulière.
Je crois qu'un type en moi - une victime du storytelling appliqué aux sphères musicales ? - l'a reçue comme une sorte d'écho, de post-scriptum à The Boatman's Call.

Lorsque la fille est partie, et que l'on ne sait plus chanter ce qu'elle était, ni même le vide qu'elle a laissé... qu'est-ce qu'on fait ? On écrit une chanson de plus, un truc comme on en a tant ou trop fait ; une chanson sur l'amour que l'on souhaite voir durer, ou renaitre, ou ne pas disparaitre... On le fait sincèrement, sans doute, mais comment expliquer qu'il semble manquer quelque chose ?

C'est qu'après The Boatman's Call, il y a tant de choses qui ressemblent à du sarcasme.












Puis, on retourne dans ce club un peu vulgaire où l'on n'avait plus mis les pieds depuis un bail ; on commande un verre au comptoir, avant d'embarquer la bouteille. Les clients sont les mêmes qu'avant, mais le patron a embauché de nouvelles filles, pour servir, danser (et allez savoir quoi d'autre).












Et après, quoi ? On regarde danser les slurs avec un gros type mal coiffé...

Bring It On (vidéo réalisée par John Hillcoat - 2004)...


Balthazar Castiglione.

jeudi 31 janvier 2008

Le pays des vieux cinéastes

Alors je sais bien que chez la petite marchande de bombes (quoi ? Ah mais non… mais qui est Daniel Pennac ?) on est pas censé faire de l’autobio mais tant pis, après tout merde je suis pas le vieux punk pour rien. Alors allons-y.

Donc, vers le milieu des années 90, tandis que ma cinéphilie devenait un truc plus ou moins officiel, j’ai découvert le cinéma de Tim Burton et celui des frères Coen. Pour bien faire j’ajouterais celui de Jarmush mais il est hors sujet. Bref. Ed Wood et Fargo, principalement, ont retenu mon attention, et j’ai progressivement remonté leurs filmographies respectives tout en me précipitant dans le cinéma le plus proche dès qu’une de leurs nouveautés pointait son nez.
Mais, assombrissant bientôt cette idylle adolescente, le tournant des années 2000 a vu mes cinéastes cultes commencer à faire n’importe quoi avec une application inquiétante. Disons que Sleepy Hollow et O’Brother, bien que fort sympathiques, annonçaient clairement une baisse des ambitions, sans rien de catastrophique. Mais le brave Tim a ensuite pété un fusible, et vous savez tous de quoi je veux parler. Le plus grave a été la bonne surprise de Big Fish (« Allez Tim tu deviens adulte c’est pas grave ça arrive à tout le monde ») coincée entre deux des pires merdes qu’il m’ait été donné de voir ces dernières années. Quant aux Coen bros, leur déliquescence ressemblait à une chute libre de plus en plus rapide. Dépité, je n’ai même pas osé aller voir leur dernier ratage. Peut être à cause de Tom Hanks. Allez savoir.

Quoi qu’il en soit, le 23 janvier dernier et ainsi que tout le monde le sait, ces références ultimes sortaient chacun leur dernier opus. « Cette fois, me suis-je dit, les gars, c’est votre dernière chance : ou vous nous pondez un chef-d’œuvre, ou je vous boude jusqu’à la fin des temps. » On peut dire que je n’ai pas vraiment été déçu. Une première remarque : ça ne rigole plus chez les néo-cinquantenaires. L’heure est aux règlements de compte sanglants.
No Country For Old Men, la première adaptation des Coen (d’après le roman éponyme de Cormack Mc Carthy), est particulièrement maîtrisé. Les frangins tiennent leur sujet (la propagation du mal, la fatalité de la violence, et la mort) et, se décidant à bosser pour de bon afin d’élargir leur univers, ils ne retiennent de leurs excès anciens que ce qui sert le film : l’humour est ici réduit à une pointe acide qui vient, comme du sel sur une plaie toute fraîche, pimenter l’angoisse. En effet, la notion de suspense, relativement nouvelle pour eux, est extrêmement bien exploitée, et vient éclairer les passages mélancoliques et désenchantés, qui traduisent, eux, parfaitement bien l’esprit de Mc Carthy. Le film est intense, intelligent et sec comme un coup de cravache. Une vraie réussite.

Chez Burton, la violence est aussi au rendez-vous, les décors sont nickel et le propos est sombre à souhait : la vengeance du diabolique barbier n’épargnera personne, pas même lui, et, comme chez les Coen, cette histoire est vouée à mal finir. Pourtant, Sweeney Todd, qu’on ne peut pas qualifier de film raté, m’a laissé indifférent. A cause de la musique, assez indigeste ? Ben non. Juste que ce travail sur son propre cinéma (avec Johnny Depp en réminiscence Edwardienne) a l’air coincé, comme un grand gamin qui jouerait toujours avec les mêmes jouets dans des configurations plus ou moins différentes. Le cinéma de Burton est bloqué depuis longtemps dans un décorum rigide, et sa mise en scène est souvent répetitive (les scènes de meurtres, toutes montées de la même manière).

Ou peut-être simplement que, au final, l’univers des frères Coen, qui est aussi large que les diverses mythologies de l’Amérique, me semble plus proche de moi que les fantasmes de vieille Europe de Burton. Les premiers vont vraisemblablement rester pour longtemps dans mon panthéon personnel. Le second s’en éloigne, doucement.

Sadoldpunk.

mercredi 23 janvier 2008

Le Pétainisme transcendantal (1)

"Je veux en finir avec l'héritage de mai 68 qui a installé l'idée que tout se vaut, détruit l'autorité du maître, abandonné la transmission du savoir et de la culture, fait prévaloir l'égalitarisme et le nivellement par le bas, et dévalorisé les diplômes qui ne valent plus rien quand on abaisse le niveau pour les donner à tout le monde."

Nicolas Sarkozy, Metz, 17/04/07

Alain Badiou est antisémite. Ce sont de prestigieux journaux hexagonaux qui ont dernièrement souligné les dérives de ce philosophe. Le Monde a publié une critique de son dernier livre sous la plume de Jean Birnbaum, puis plus récemment, Libération a ouvert les colonnes de la rubrique Rebonds à deux universitaires Bruno Chaouat et Geoffroy de Lagasnerie. La charge est efficace, deux articles publiés le même jour, cela ne laisse aucune chance au philosophe. Car si Chouat a perçu des relents antisémites chez Badiou, il est, selon Geoffroy de Lagasnerie, le symptôme du retour a gauche de l'admiration des idéologies autoritaires. Qu'il soit antisémite ou autoritaire, haro sur le Badiou. Ces articles prennent le relais de la polémique ouverte par Eric Marty et son ouvrage : "Une querelle avec Alain Badiou" et sa conférence "Alain Badiou et la question du nom juif" lors du colloque sur la sociologie historique de l’antisémitisme culturel.
Noam Chomsky est antisémite ce sont les intellectuels français qui l’on depuis un certain temps souligné. D’abord Pierre Vidal Vaquet puis repris avec une certaine exaltation par Bernard-Henry Levy ou Alain Finkielkraut. Noam Chomsky a écrit une lettre à un ami sur la liberté d’expression, celui-ci bien perfidement a eu l’idée judicieuse de la confier à l’éditeur de Robert Faurisson. La suite est connue. Il est inutile de revenir sur les écrits de Noam Chomsky : il est antisémite.
Pierre Bourdieu est antisémite, on l’a appris en tout cas grâce à Jean-Claude Milner à l’antenne de France Culture à l’occasion de la vivifiante émission d’Alain Finkielkraut (qui il faut le souligner ne savait plus ou se mettre). Dans "Les Héritiers", Pierre Bourdieu s’est penché sur le fonctionnement de la reproduction des inégalités sociales vis-à-vis des études supérieures et de la culture. C’est évident, "Les Héritiers" se sont les juifs. Il est inutile de revenir sur les écrits de Pierre Bourdieu : il est antisémite.
Alain Badiou a écrit "Circonstance 3 : portées du nom juif". Dans cet ouvrage, il refuse l’idée d’un nouvel antisémitisme. Ce qui se cacherait derrière ce nouvel antisémitisme serait (et il est rejoint par l’éditeur des éditions La Fabrique, Eric Hazan) en réalité un racisme dirigé contre les Français dont les origines seraient arabes (c’est-à-dire pour reprendre les propos du député UMP Thierry Marianni, auteur du texte sur les test ADN "pas 100% français"). Le refus de reconnaître un nouvel antisémitisme a fait de lui un antisémite. Aucune circonstance atténuante selon Eric Marty lorsque Badiou critique violemment, dans ce même ouvrage, les exactions et les mesures discriminatoires du gouvernement israélien contre les habitants des territoires occupés et dans une moindre mesure contre les arabes israéliens. Aujourd’hui, le philosophe aggrave son cas dans "Circonstance 4 : De quoi Sarkozy est-il le nom ?", lorsqu’il écrit "aujourd’hui, il faut enquêter sur la vraie nature du lien au peuple d’organisations que limitent, du point de vue des leçon universelles qu’on peut en tirer, leur allégeance religieuse : Le Hezbollah au Liban, et le Hamas en Palestine". A n’en point douté, il est doublement antisémite. Croyez vous pourtant que c’est pour s’être montré conciliant vis-à-vis d’organisations en lutte armée contre l’Etat d’Israël, que certains définissent comme terroristes, religieusement orthodoxes et aux discours politiques assurément extrémistes, que Badiou est antisémite ? Pas du tout, le philosophe est antisémite puisqu’il consacre de nombreuses pages dans son dernier ouvrage à ce qu’il appelle "les rats". C’est cette thèse qui est défendue par le critique littéraire Pierre Assouline et soutenue par un certain nombre d’intellectuels français, ce qui ne manquera pas de faire plaisir à Marty et tous ceux qui pensent que toute critique de l’Etat d’Israël est de l’antisémitisme qui ne dit pas son nom. Inutile de lire son livre, car derrière le rat se cache le juif, Badiou est antisémite...

Adcr

Le Pétainisme transcendantal (2)

...Bourdieu, Chomsky et Badiou, sont de ces intellectuels qui font le bonheur des soirées avinées des gauchistes actuels. Gauchistes forcements antisémites. Le raisonnement des journalistes, des intellectuels, des universitaires et autres hommes politiques, est limpide. Il est si limpide que leur raisonnement fait office de réflexion intellectuelle et permet à leurs lecteurs, auditeurs, de pouvoir dénoncer l’antisémitisme d’extrême gauche sans avoir ni les mains sales, ni la nausée. Surtout sans avoir eut la patience de consacrer un peu de leur temps à la lecture de leurs œuvres. Le temps, c’est ce qui nous manque, il faut travailler plus pour gagner plus, faisons confiance aux critiques littéraires, aux philosophes "vu a la télé" et aux journalistes.
"Les Héritiers" est une attaque frontale de la reproduction sociale des privilèges. L’élite universitaire y est sérieusement écornée. Un ouvrage, paru en 1964, qui à l’instar des écrits situationnistes à permis le climat insurrectionnel de l’année 1968. Noam Chomsky est américain, et comme tel, place la liberté d’expression au-dessus de tout. C’est un disciple de Voltaire qui disait à peu près ceci « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. » C’est ce qui l’a poussé à écrire cette lettre qu’il ne destinait pas du tout au négationniste Robert Faurisson, dont il ignorait l’existence. Chomsky a réalisé des conférences et travaillé sur des ouvrages qui mettent en lumière la participation active des intellectuels médiatiques et des journalistes dans la volonté des gouvernements des démocraties libérales d’imposer une propagande idéologique assurant le soutien des peuples aux pires barbaries des impérialismes.
Alain Badiou est un maoïste et un acteur de l’insurrection de mai 68. Il est l’auteur de "De Quoi Sarkozy est il le nom ?" il y fustige les communistes, les socialistes et tous ceux qui à gauche (intellectuels et journalistes, hommes et femmes politiques surtout) ont quitté le navire de ce quoi le vivre ensemble est le nom pour rejoindre le pétainisme transcendantal dont Nicolas Sarkozy est le nom. Les rats se sont eux.
En France pour des raisons évidentes il est pratique et surtout facile a ceux que l’audimat désigne comme intellectuels de flinguer les penseurs qui combattent la propagande médiatique des démocraties libérales en les désignant comme antisémites. Le mot antisémite suffit à les écarter pour longtemps de la curiosité dangereuse de ce que "le consommateur" est le nom. Ceux qui prennent à cœur de sauver nos âmes, n’ont par contre rien eu à redire sur le fait que le code pénal polonais permet de condamner à trois ans de prison celui qui imputerait au peuple polonais une participation aux crimes nazis ou communistes, ni sur la parution sous le sigle de l’union européenne d’un livre antisémite rédigé par un député polonais idéologiquement proche des idées nazies. Rien à redire, non plus, sur la présence auprès de Nicolas Sarkozy d’anciens membres du groupuscule fasciste antisémite Occident. Rien a redire sur le fait qu’Helene Carrere d’Encausse puisse aller et venir à l’Elysée tout en ironisant à la télévision russe sur le fait que l’on puisse allez "en prison si vous dites qu'il y a cinq juifs ou dix Noirs à la télévision. Les gens ne peuvent pas exprimer leur opinion sur les groupes ethniques, sur la Seconde Guerre mondiale et sur beaucoup d'autres choses.". Elle ne défend pas ici la constitution américaine mais se montre plutôt nostalgique de son pétainiste de père dont on découvre l’engagement dans "Un Roman Russe" de son descendant Emmanuel Carrère. S’il faut en finir avec 68 et avec l’Idée du vivre ensemble dont communisme est le nom, il faut par contre conserver les valeurs réactionnaires (travail, famille, patrie) et les circonstances de la haine de l’autre (qu’il soit juif, musulman, sans papiers, pauvre, SDF, chômeur) qui fonde et solidifie chaque jour les démocraties libérales. C’est contre ce danger qu’Alain Badiou propose aujourd’hui d’ouvrir une nouvelle séquence de l’idée communiste qui gardant le nom devra s’émanciper des horreurs passées et proposer un seul monde, non pas pour les transactions financières comme aujourd’hui, mais pour les hommes.

Adcr