mercredi 24 juin 2009

Public Enemies

Remake de Heat grimé en biopic romantique de John Dillinger, gangster notoire des années 30, Public Enemies, le nouveau long métrage de Michael Mann, est un grand film malade qui ne fait mystère ni de ses intentions, ni de son sujet : l’industrialisation du crime, l’optimisation des bénéfices réalisés par la pègre, la description précise des procédés du libéralisme naissant dont les milieux mafieux, très vite, comprendront l’intérêt et dont ils sauront, en les appliquant méthodiquement, tirer des profits à grande échelle. En contrepoint, le film fait de Dillinger le héraut d’une geste solitaire et entêtée, rien moins qu’un anachronisme historique, et pour se montrer réfractaire aux transformations qui s’opèrent sous ses yeux, un modèle criminel lancé à tombeau ouvert sur la voie de l’obsolète. Aux yeux d’organisations criminelles structurées comme la mafia, toujours prompte à s’adapter aux métamorphoses du capitalisme, Dillinger n’est plus qu’un voyou, anecdotique mais gênant, un libertaire de la rapine, un électron libre et incontrôlable qu’il devient nécessaire de neutraliser. A l’image de Dillinger, Michael Mann n’est pas un col blanc, lui aussi carbure à l’adrénaline, à l’action rapide, à l’acmé survolté et, dans le registre du film de genre dopé à l’action violente, se perçoit à juste titre comme un marginal. Dès lors, Public Enemies fait figure de métaphore où se mettent en scène la position du réalisateur sur l’échiquier de l’industrie cinématographique, comme ses revendications en termes de marge de manœuvre et d’indépendance. Mais curieusement, c’est en tentant de réaffirmer sa singularité de cinéaste, son besoin de solitude et de liberté, que Michael Mann se montre le plus soumis aux paramètres du cinéma dominant : montage très découpé et extrêmement rapide, presque tagué, charte graphique toute entière tournée vers le chromo sépia, reconstitution “années 30” oblige… jusqu’à l’élégance de son classicisme poussé ici aux limites de la désincarnation. Vous l’aurez compris. Pour raté qu’il puisse paraître sur le plan visuel, Public Enemies n’en reste pas moins un film absolument passionnant.

Fernet-Branca.