mercredi 26 novembre 2008

two lovers : amour, maladie et classes sociales


Je suis allé voir Two Lovers hier soir avec les garçons (l'équipe de la petite marchande de bombes) et toxicavengeresse. Deux camps à la sortie (enfin trois, puisque la question step brothers est revenue). Celui de ceux qui trouvaient la fin triste et celui de ceux qui la trouvaient, non pas joyeuse, mais tournée du côté de la vie. Je ne suis pas doué pour analyser les choses sur le long cours, voilà quelques mots un peu désordonnés (je suis désolé, mon travail me lance des miaous déchirants) sur ce film (qui a des ressemblances avec step brothers), une grande oeuvre sur la maladie et l'amour. L'histoire. Joaquin Phoenix est maniaco-dépressif, il a été fiancé à une femme qui, dit-il, l'a quitté car ils étaient tous les deux porteurs d'un gêne rare les empêchant d'avoir des enfants. C'était son grand amour, il ne s'en est jamais remis, il garde sa photo près de son lit. Puis vient Sandra, fille du quartier, brune et sage, prévenante et amoureuse. Il est attiré, il l'aime bien, une complicité naît entre eux. une histoire aurait pu commencer. Mais Gwyneth Paltrow arrive. La fille n'a aucun intérêt véritable, mais elle est malade (elle fait une allusion à un problème psy), elle est malheureuse, elle prend de l'ecstasy (on apprendra qu'elle a un problème de drogue plus ancien), son père lui hurle dessus. Elle a des qualités secondaires aussi, elle est blonde, elle montre un de ses beaux seins et elle vient d'un milieu très privilégié, c'est une princesse, déchue, mais elle reste une princesse pour un gamin de Brooklyn. Joaquin tombe amoureux, et il a raison, car ainsi, s'occupant de sa malade aimée, il n'est plus malade, c'est lui qui soigne, alors tout va bien, pour un temps, il est adulte quand il prend soin d'elle, il n'est plus ce gamin qui vit chez ses parents, il est un homme. Sandra la brune qu'a-t-elle à lui offrir ? Pas grand chose, elle est saine, en bonne santé, la pauvre, et pire que tout elle sait qu'il est malade, elle dit qu'elle s'occupera de lui. Cela le fait fuir, il ne veut pas de cette amour maternel, il a déjà une mère. Il sort avec Gwynteth, il est auprès d'elle à l'hôpital, il est là, fort, responsable. Quand Gwyneth quitte son amant marié, ils sont décidés à partir à San Francisco et son Golden Gate Bridge archétype lieu du suicide, c'est à dire qu'ils vont vers la mort, tous les deux trop fucked up, c'est évident ça finira comme ça. Mais non, heureusement, le mari idiot divorce et récupère l'idiote Gwyneth (ils viennent du même milieu et puis il a l'âge de son père, alors c'est parfait, l'endogamie est préservée, voilà de la tragédie, voilà ce que pense Gray du libre arbitre). Joaquin pourrait se tuer. Cela serait logique, tout est fait pour l'amener vers cet océan dans lequel il s'est laissé tomber au début du film, ça serait une fin triste classique. Mais il réfléchit ; peut-être qu'il a enfin compris quelque chose sur Gwynteh, il a compris qu'elle n'était rien, qu'elle n'existait que par sa maladie, ça les rapprochait c'est sûr, mais c'était factice ; il n'en a pas besoin, il a sa maladie bien à lui, il ne pourra jamais l'effacer. Mais cette histoire avec Gwynteth n'a pas été vaine : pendant un moment il a été adulte, il a vu qu'il pouvait être là pour quelqu'un, être utile. Et puis il a enfin jeté la photo de son grand amour passé. Cette histoire l'a transformé en homme, il n'est plus l'enfant de quarante ans qui vit chez ses parents (voir step brothers). Il fait un choix, parce qu'il est malade, mais cela n'empêche pas de faire des choix, au contraire. Et il va vers l'amour ; il reprend l'histoire interrompue. Peut-être qu'il ne l'aime pas passionnément cette Sandra, mais ça viendra, et ça ne sera pas moins fort que l'amour spontané et égoïste pour Gwyneth Paltrow, ce mirage ; ça sera un amour adulte, c'est effrayant et merveilleux, il y aura peut-être plus de tendresse que de passion, ça sera compliqué mais plein de douceur, il y va. C'est une fin antiromantique, belle, réelle ; bien sûr, c'est de la tragédie, nous ne sommes pas tout à fait libres, mais nous avons une marge de manoeuvre, assez large pour des sourires et des baisers ; Joaquin Phoenix n'est plus un enfant, mais un adulte qui a besoin de soins, d'une famille, de stabilité, il a besoin de donner de l'amour et d'en recevoir. Une vie qui ressemblerait à celle de la famille qui a échappé aux nazis (après bien des épreuves personnelles) à la fin de The Sound of Music, de Wise, le film préféré de Sandra, et qui trouve refuge en Suisse, dans une Europe en guerre. Joaquin Phoenix répond à Sandra, gênée de citer ce film à la réputation mièvre, que c'est un film sousestimé. La clef du film est dans cette phrase. L'amour qui va les unir est sousestimé, tant pis pour ceux qui l'ignorent, ils vont le vivre, ils en savent la beauté.
(Comme le titre rappelle two sisters des Kinks, voilà une bonne occasion d'écouter cette chanson.)


martin page

6 commentaires:

Baldassare Castiglione a dit…

Très belle proposition, à laquelle je peux souscrire (cela dépend du moment où j'y pense). Je me souviens qu'à la sortie de "We own the night", je m'étais déjà posé pas mal de questions à propos de son dénouement.
Attention, déclaration pompeuse, sans audace (je rallie l'unanimisme de la critique française) et non argumentée : ce type est un immense cinéaste.

sadoldpunk a dit…

Oui, c'est une belle idée, mais j'ai malgré tout l'arrière goût d'un film pas tout à fait réussi. Le scenario se laisse prendre à quelques ficelles malvenues (essentiellement autour du personnage de Gwyneth, à moitié crédible)et les dialogues (en partie improvisés) ne sont pas toujours à la hauteur du talent de Joaquin Poenix.
Gray est un immense cinéaste, certes (la photo, les mouvements de caméra ultra précis, l'attention portée aux acteurs - et donc aux émotions des personnages), mais celui ci n'est pas un grand film. Ce n'est pas très grave.

la petite marchande de bombes a dit…

Sadoldpunk, nous sommes d'accord pour dire que les gants avec la petite chaîne sont horribles. Mais là non ce n'est pas possible. Je ne vois pas ce qu'on reproche à Gwyneth, elle joue parfaitement son personnage, qui a du sens dans l'histoire, n'est jamais caricatural. Ce film est un chef d'oeuvre. Pas évident peut-être, un peu comme la mélodie du bonheur...

page

Anonyme a dit…

Je suis d'accord (pour une fois!) avec sadoldpunk : j'ai trouvé le film assez raté, ça ne prend pas. Gwyneth est très belle certes, mais pas une minute, je n'ai cru à son personnage. Mais je suis de ceux qui trouvent que la fin est heureuse...

Sophie a dit…

Il y a dans ce film comme dans tous les films de James Gray, quelque chose d'ineffable, une ambiance, qui depuis la première image jusqu'au générique de fin nous emmène dans un univers. Pour moi c'est de la pure poésie.Le gant avec la chainette est certes horrible mais on ne peut pas être insensible au symbole de cette main tendue qui ondule dans les vagues, comme un signe qui raccroche à la vie... Ce film est un chef d'oeuvre!

Coline a dit…

Ce qu'il y a avec ce film (et qui dérange peut-être) c'est qu'il utilise pas mal de clichés, ou tout du moins des évolutions du scénario que l'on sent venir (Gwyneth qui ne part plus, le gant qui tombe, la bague qu'il récupère, etc). Et en même temps, ce n'est pas gênant, c'est juste la vraie vie.

Coline