mardi 11 novembre 2008

Un armistice qui fait date

J'ai écrit ce texte pour le 90ème anniversaire de l'armistice de la première guerre mondiale.

J'ai écrit ce texte dans le souvenir des commémorations de mon enfance dans ce petit village qui se souvientcomme tant d'autres du

11 novembre 1918.


Le samedi 1er août 1914, à 4 heures de l'après-midi, tous les clochers de France font entendre un sinistre tocsin à une heure où l’on ne s’apprête pas à se rendre à la messe. Les hommes sont aux champs lorsqu’on leur annonce la mobilisation générale. Malgré la stupéfaction les français n’ont pas cherché à comprendre, on leur avait appris que « les Boches » étaient des barbares qui s’apprêtaient à venir égorger leurs fils et leurs compagnes, à ravager leur terres.


Selon l’historien Jean-Jacques BECKER* tous ne montèrent pas la fleur au fusil au combat, c’est bien souvent la résignation qui a accompagné l’entrée des français dans la guerre.

Dans le monde rural on se demande déjà qui s’occupera de la terre. On se rassure en se persuadant qu’en peu de temps ce sera une affaire réglée, que l’on reviendra pour les moissons.

Ce furent les femmes qui firent les moissons cette année là. Et les quatre suivantes aussi. Beaucoup d’hommes ne les firent plus jamais.


Parce qu’ils étaient les plus nombreux, parce qu’ils n’avaient peut être pas eu la même éducation à la communale que les citadins, les ruraux, ce que l’on moquait comme des « paysans », furent envoyés en première ligne. Ils étaient la fierté redoutée de la République. Ils n’étaient plus que le symbole de 1789 mais ils devaient se battre pour la République, parce qu’ils étaient cette République radicale, rurale, parfois crainte, souvent considérée trop conservatrice.


Eux qui avaient travaillé la terre avec le fer, ils ont succombé dans les bonnes terres de la Somme, de l’Artois, de la Champagne, des morceaux de métal dans le corps, dans des villages rasés qui auraient pu être le leur, où le clocher symbole de leur « patrie » était devenu une crainte, où un tireur pouvait mettre fin à leur vie. Cette terre grasse et nourricière devenait leur tombeau. La terre que l’on avait parfois du mal à labourer, pour laquelle on s’échinait et qui portait en elle la peine du labeur et de la tradition séculaire était retournée en un instant par la modernité qui portait des noms de femme. Bertha devenait synonyme de cauchemar pour ceux qui étaient depuis trop longtemps éloignés de leurs femmes et de leur famille.



Si la guerre a épargné le clocher de M***, les fusils n’étaient jamais loin. Le soldat de 2e classe Louis Casset, ce parisien natif du XIe arrondissement affecté au 88e régiment d’Artillerie, découvre le village lorsqu’il y cantonne dans ces journées juin et juillet 1918 rapportées dans son journal. M*** fut une base arrière de ces combats qui avaient lieu à quelques kilomètres. Ceux de M*** qui laissèrent leur vie pour la patrie auraient pu être près de chez eux quand ils ont disparu. Leur nom sur le monument aux morts, au centre du village, indique qu’ils sont toujours chez eux à M***.


Les moissons étaient terminées le 11 novembre 1918 à 11h quand retentirent plus de quatre ans plus tard les tocsins des églises de France. Quand se fait entendre le clairon de l’armistice, la France compte 1 393 000 morts, près de trois millions de blessés dont 74 000 mutilés.

La première guerre mondiale eut un rôle fondamental pour l’évolution du monde rural, car beaucoup de ses habitants ont du quitter les campagnes, ils ne pouvaient plus travailler la terre, à quoi bon rester devant une terre qui végète.


Le 11 novembre 1918 reste une date importante pour le monde rural, pour qu’il se souvienne que certains sont revenus, pour commémorer les disparus, pour faire vivre à nouveau la terre.


Berlin Belleville


* BECKER (Jean-Jacques), 1914, comment les Français sont entrés dans la guerre, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977.



4 commentaires:

Baldassare Castiglione a dit…

Bel hommage. Quelques passages récents au cimetière civil d'Ovillers, dans ma Somme natale (où repose une partie de ma famille), cerné de monuments aux morts et cimetières militaires, m'aident à y penser aussi...

la petite marchande de bombes a dit…

C'est bien de remettre en cause ce truc atroce de tout le monde allait au combat la fleur au fusil.

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la petite marchande de bombes a dit…

Quand la propagande reste dans l'histoire, et la colore.

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L'Anonyme de Chateau Rouge a dit…

j'avais entendu parler de la résurrection de la petite marchande de bombes, et ça devient foisonnant.
bel hommage en effet...
ça me fait penser qu'a l'ère des pesticides impossibles à fuir et de l'eau pollué au nitrate, certain pensent aujourd'hui a retourner à la terre. Mangeant ce qu'ils pourront récolter.