jeudi 31 janvier 2008

Le pays des vieux cinéastes

Alors je sais bien que chez la petite marchande de bombes (quoi ? Ah mais non… mais qui est Daniel Pennac ?) on est pas censé faire de l’autobio mais tant pis, après tout merde je suis pas le vieux punk pour rien. Alors allons-y.

Donc, vers le milieu des années 90, tandis que ma cinéphilie devenait un truc plus ou moins officiel, j’ai découvert le cinéma de Tim Burton et celui des frères Coen. Pour bien faire j’ajouterais celui de Jarmush mais il est hors sujet. Bref. Ed Wood et Fargo, principalement, ont retenu mon attention, et j’ai progressivement remonté leurs filmographies respectives tout en me précipitant dans le cinéma le plus proche dès qu’une de leurs nouveautés pointait son nez.
Mais, assombrissant bientôt cette idylle adolescente, le tournant des années 2000 a vu mes cinéastes cultes commencer à faire n’importe quoi avec une application inquiétante. Disons que Sleepy Hollow et O’Brother, bien que fort sympathiques, annonçaient clairement une baisse des ambitions, sans rien de catastrophique. Mais le brave Tim a ensuite pété un fusible, et vous savez tous de quoi je veux parler. Le plus grave a été la bonne surprise de Big Fish (« Allez Tim tu deviens adulte c’est pas grave ça arrive à tout le monde ») coincée entre deux des pires merdes qu’il m’ait été donné de voir ces dernières années. Quant aux Coen bros, leur déliquescence ressemblait à une chute libre de plus en plus rapide. Dépité, je n’ai même pas osé aller voir leur dernier ratage. Peut être à cause de Tom Hanks. Allez savoir.

Quoi qu’il en soit, le 23 janvier dernier et ainsi que tout le monde le sait, ces références ultimes sortaient chacun leur dernier opus. « Cette fois, me suis-je dit, les gars, c’est votre dernière chance : ou vous nous pondez un chef-d’œuvre, ou je vous boude jusqu’à la fin des temps. » On peut dire que je n’ai pas vraiment été déçu. Une première remarque : ça ne rigole plus chez les néo-cinquantenaires. L’heure est aux règlements de compte sanglants.
No Country For Old Men, la première adaptation des Coen (d’après le roman éponyme de Cormack Mc Carthy), est particulièrement maîtrisé. Les frangins tiennent leur sujet (la propagation du mal, la fatalité de la violence, et la mort) et, se décidant à bosser pour de bon afin d’élargir leur univers, ils ne retiennent de leurs excès anciens que ce qui sert le film : l’humour est ici réduit à une pointe acide qui vient, comme du sel sur une plaie toute fraîche, pimenter l’angoisse. En effet, la notion de suspense, relativement nouvelle pour eux, est extrêmement bien exploitée, et vient éclairer les passages mélancoliques et désenchantés, qui traduisent, eux, parfaitement bien l’esprit de Mc Carthy. Le film est intense, intelligent et sec comme un coup de cravache. Une vraie réussite.

Chez Burton, la violence est aussi au rendez-vous, les décors sont nickel et le propos est sombre à souhait : la vengeance du diabolique barbier n’épargnera personne, pas même lui, et, comme chez les Coen, cette histoire est vouée à mal finir. Pourtant, Sweeney Todd, qu’on ne peut pas qualifier de film raté, m’a laissé indifférent. A cause de la musique, assez indigeste ? Ben non. Juste que ce travail sur son propre cinéma (avec Johnny Depp en réminiscence Edwardienne) a l’air coincé, comme un grand gamin qui jouerait toujours avec les mêmes jouets dans des configurations plus ou moins différentes. Le cinéma de Burton est bloqué depuis longtemps dans un décorum rigide, et sa mise en scène est souvent répetitive (les scènes de meurtres, toutes montées de la même manière).

Ou peut-être simplement que, au final, l’univers des frères Coen, qui est aussi large que les diverses mythologies de l’Amérique, me semble plus proche de moi que les fantasmes de vieille Europe de Burton. Les premiers vont vraisemblablement rester pour longtemps dans mon panthéon personnel. Le second s’en éloigne, doucement.

Sadoldpunk.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah ben m'en vais voir celui des Cohen là, j'espère ne pas être décu! Burton attendra...

sadoldpunk a dit…

Yop... Burton peut attendre, il a manifestement beaucoup moins bossé que les frangins, et le résultat est éloquent...